Titre : | Les Ardoisières de l'Ardenne |
Auteurs : | Léon Voisin, Auteur |
Type de document : | texte imprimé |
Année de publication : | 1987 |
ISBN/ISSN/EAN : | 9782905339063 |
Format : | 257 p. |
Langues: | Français |
Index. décimale : | 4-94 (Histoire locale) |
Résumé : |
148 REVUE GÉOGRAPHIQUE DE L'EST - 1988 - 2-4
COMPTES RENDUS Léon Voisin. Les ardoisières de l'Ardenne. Editions Terres Ardennaises, Char- leville-Mézières, 1987. 256 p., 104 figures et photographies, 3 dépliants et photographie hors-texte. C'est d'un très bel ouvrage que nous gratifie Léon Voisin, professeur de géographie physique à l'Université de Nancy II jusqu'en 1983, mais qui fut aussi longuement enseignant dans les Ardennes, où, selon la dédicace, vécut Nicolas-Joseph Lorent, ardoisier à Fumay et arrière-grand-père de l'auteur. C'est dire combien Léon Voisin — qui de surcroît écrivit sa thèse de doctorat d'Etat sur le modelé schisteux en zones froide et tempérée — était en quelque sorte prédestiné à écrire ce livre ! En parfait géographe, L. Voisin ne se confine cependant pas dans la spécialité où il excelle : il aborde avec un égal bonheur les techniques comme l'histoire des lieux et des hommes qui ont fait vivre les ardoisières. Dans ces diverses parties en effet, L. Voisin conserve une démarche scientifique qui se veut dépourvue de « complaisance », un regard presque clinique sur l'essor et la disparition inéluctable d'une activité à maints égards archaïque, sans pouvoir toutefois dissimuler totalement son émotion. « Ainsi, dit-il, le temps viendra sans doute assez vite durant lequel nos descendants auront de la peine à imaginer ce que fut l'extraction ardoisière en Ardenne. Pour beaucoup, ce ne sera plus qu'un lointain souvenir, plein de confusions et d'erreurs... On n'en meurt pas... enfin, pas vraiment ». Ou encore : « si demain quelqu'un (un fou sans doute, mais que ferait-on sans folie ?) décidait de reprendre l'exploitation des réserves de belle ardoise qui ennoblissent encore le Devillien en Ardenne occidentale, aurait-il la moindre chance de succès ? » Notre première chance est de disposer aujourd'hui de l'ouvrage de L. Voisin pour échapper à cette ignorance et à cet oubli ; le profane sera captivé par cette épopée des humbles que L. Voisin magnifie par sa précision rigoureuse ; le spécialiste y puisera une foule de renseignements et de documents toujours bien appropriés et judicieusement choisis au sein d'une érudition foisonnante. Dans sa première partie sur « les techniques », après avoir présenté les paysages ardoisiers, L. Voisin ne pouvait manquer de nous rappeler les notions élémentaires de géologie relatives au domaine ardoisier, domaine où il excelle, et où l'on retrouvera définitions, cartes et croquis originaux d'une grande clarté (48 p.). On passe ensuite à l'évolution des techniques d'exploitation dans le massif ardennais (exploitation à ciel ouvert puis souterraine), à celle des techniques d'extraction et des tentatives de modernisation (50 p.), pour aboutir à la fabrication des produits de couverture et d'ardoiserie (22 p.). Cette partie est extrêmement documentée, avec de nombreuses photoCOMPTES RENDUS 149 graphies (souvent des années 1900), des reproductions, comme cette splendide planche couleur qui montre « les relais verticaux d'échelles et de pompes dans l'ardoisière de Rimogne vers 1760 », et enfin des dessins originaux de l'auteur, comme la figure 69, « outils à main et machines simples », digne d'une planche de l'Encyclopédie. La seconde partie, « l'histoire », décrit la vie et la mort des fosses ardennaises (80 p.), puis la vie des hommes qui ont fait cette histoire (26 p.). C'est au début de cette seconde partie que L. Voisin rassemble l'ensemble des données sur la multiplication et la durée des ardoisières dans l'ensemble du massif, sous forme de graphiques qui montrent les périodes d'activité certaines — et quelquefois plus douteuses — depuis le milieu du xviie siècle, activité des fosses regroupées par centres d'extraction (12 principaux). Un tableau récapitulatif répertoriant le nombre d'exploitations ouvertes en un lieu donné de 1700 à nos jours montre la primauté de Fumay au xvme siècle : 15 fosses en 1760, pour 5 à Monthermé et 4 à Rimogne. Deux autres périodes de grande activité, beaucoup plus homogènes et étendues à l'ensemble du massif, se manifestent en 1840-1850 (11 fosses à Fumay et à Monthermé, 9 à Herbeu- mont, 8 à Haybes et Rimogne...), puis en 1900-1910 : 12 fosses encore à Fumay, 10 à Haybes et Martelange, 9 à Herbeumont, 7 à Rimogne. La fermeture définitive intervient partout en 1980, à l'exception de Martelange et Neufchâteau, mais l'activité est en fait déjà excessivement réduite dès 1940. L'évolution historique est ensuite précisée en détail dans les bassins de Fumay, de Rimogne et de Monthermé, ainsi que dans les fosses de l'Ardenne belge et grand-ducale. L. Voisin termine par l'évocation de ceux et celles qui ont fait vivre ces ardoisières : « ceux du fond et ceux des baraques », les « scailteux », les « escaillons » et autres « faiseleux », sans oublier les adolescents et les enfants, les « mousses » et les femmes, dont la tâche essentielle « dans les fosses devenues profondes dès la fin du Moyen Age fut l'épuisement des eaux ». Cette population a payé un lourd tribut aux accidents de toute sorte, à la « schistose » due aux poussières et « combattue » par l'alcoolisme, car « les ardoisiers sentant leur gorge irritée par la poussière considéraient l'alcool comme un antidote. L'ardoise est devenue aujourd'hui un produit de luxe, remplacé par les matériaux moins coûteux. Les ardoisières ardennaises ont subi la concurrence de fosses plus rentables, en raison de meilleures conditions géologiques et économiques : celles de l'Anjou d'abord, celles de l'Espagne maintenant... « Avant que ne disparaissent tout à fait les dernières traces visibles à Fumay ou à Rimogne..., il m'a semblé important, écrit L. Voisin, de rappeler ce que fut, dans ces contrées, le travail de l'ardoise, la grandeur et la misère des ardoisiers, l'apogée de cette industrie et son déclin ». L. Voisin a réussi cette entreprise, car son livre réhabilite l'ardoise comme l'Ardenne et donne envie de connaître ce patrimoine injustement méconnu ; mais peut-être l'auteur est-il trop pessimiste et trop modeste : dès les premières pages de son ouvrage, il prouve que les traces de cette activité marquent encore clairement, pour qui sait les voir, les paysages de Fumay ou de Warmifontaine, avec leurs énormes « verdoux » (les terrils ardoisiers) intégrés à leurs sites ; l'ardoise marque encore également l'habitat rural et urbain du massif. Au-delà du cas d'espèce, voilà une superbe leçon de géohistoire. André Weisrock |
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GEN007911 | 4-94 VOI A | Livre | Bibliothèque principale | Documentaires | Disponible |